Le ministre des Affaires locales et de l’Environnement, a été auditionné durant plusieurs heures par une brigade d’investigations de la Garde nationale à l’Aouina. Le parquet a décidé de le maintenir en garde à vue. Il a été immédiatement arrêté à son domicile et démis de ses fonctions.
Il s’agit certes du plus grand scandale écologique jamais vu en Tunisie. Lorsqu’une société privée ose importer des déchets ménagers d’Italie moyennant bénéfice en devises au détriment de la situation environnementale du pays et avec la complicité de certaines parties officielles, on s’aperçoit de la gravité de la situation.
En effet, coup de tonnerre dans la scène nationale. Les événements s’accélèrent dans ce dossier de corruption inédit, d’ailleurs, le ministre des Affaires locales et de l’Environnement a été limogé par le Chef du gouvernement et arrêté sur ordre du juge d’instruction pour son éventuelle implication dans cette affaire qui ébranle le pays. Également arrêtés, son directeur de cabinet et d’autres hauts responsables de la douane, présumés impliqués dans une affaire d’importation illégale de déchets en provenance d’Italie.
Dimanche dernier en fin de matinée, la présidence du gouvernement a annoncé le limogeage du ministre des Affaires locales et de l’Environnement, Mustapha Aroui, dans un laconique communiqué sans donner plus de détails. Quelques heures plus tard, plusieurs médias affirment que le ministre a été arrêté suite à un mandat de dépôt émis à son encontre. Les choses ne se sont pas arrêtées à ce niveau, peu après, c’est le président de la Commission parlementaire de la lutte contre la corruption, Badreddine Gammoudi, qui confirme l’arrestation d’un certain nombre de hauts responsables au sein de la douane et du ministère de l’Environnement.
Une nuit des longs couteaux s’était-elle déroulée en Tunisie pour lever le voile sur ce lourd dossier de corruption? En tout cas, au total, une vingtaine de personnes, entre hauts responsables du ministère de l’Environnement et de la douane, en relation avec cette affaire, ont été arrêtées, et ont comparu, hier lundi, devant le parquet près le Tribunal de première instance de Sousse 1 qui s’est saisi de cette affaire.
Le porte-parole dudit tribunal explique dans ce sens qu’il s’agit de hauts responsables au ministère tels que le ministre démis, son chef de cabinet, l’ancien ministre, mais aussi des responsables aux agences de gestion des déchets et de la protection de l’environnement et au sein de la douane et un diplomate tunisien en Italie.
Nous apprenons, dans ce sens, que le ministre des Affaires locales et de l’Environnement avait été auditionné durant plusieurs heures par une brigade d’investigations de la Garde nationale à l’Aouina, le parquet a décidé, donc, de le maintenir en garde à vue, il a été donc immédiatement démis de ses fonction et arrêté à son domicile.
Contacté par La Presse, Badreddine Gammoudi, président de la Commission de la réforme administrative, de la bonne gestion et de la lutte contre la corruption et député du Bloc démocratique, explique l’arrestation et le limogeage du ministre par son éventuelle implication dans cette affaire puisqu’il était cadre au ministère des Affaires locales et de l’Environnement avant d’être ministre. «Je pense que son arrestation intervient en sa qualité d’ancien responsable au ministère, tant que le ministère public a émis un mandat de dépôt à son encontre, c’est qu’il existe des soupçons quant à son éventuelle implication», nous révèle-t-il, et d’ajouter que de nouvelles arrestations pourraient avoir lieu durant les jours à venir impliquant des responsables douaniers et certains autres du ministère précité, car selon ses dires, l’affaire est extrêmement compliquée.
Quid du propriétaire de la société ?
Gammoudi confirme dans ce sens que le propriétaire de la société vitrine a pris la fuite et serait actuellement à l’extérieur du pays, affirmant que le juge d’instruction s’apprête à émettre un mandat d’amener international à son encontre. En effet, en novembre dernier, le secrétaire général adjoint et porte-parole de la Centrale syndicale, Sami Tahri, avait affirmé que l’homme à l’origine de l’affaire des déchets ménagers importés en Tunisie a fui le pays.
Au fait, il s’agit d’une société vitrine basée à Sousse qui a conclu un contrat avec des parties italiennes en vue d’importer d’énormes quantités de déchets ménagers impropres au recyclage moyennant une contrepartie en devise. Cette société recevait la somme de 48 euros contre chaque tonne de déchets importés. Bravant les lois interdisant l’import des déchets ménagers, l’entreprise tunisienne avait conclu un accord avec une entreprise italienne pour l’importation de 120 mille tonnes de déchets par an, l’équivalent des déchets produits par le Grand Tunis durant 15 jours, le montant du marché est estimé à 18 millions de dinars par an.
En tout, 70 conteneurs de ces déchets importés par cette société tunisienne ont été mis sous scellés par la douane, en attendant l’application de la décision relative à leur renvoi au territoire italien, opération qui pourrait durer longtemps au vu de la complexité des procédures administratives et techniques. Pour ce qui est du reste des conteneurs qui sont au nombre de 212, ils sont toujours bloqués au port de Sousse.
La douane en colère !
Au moins, un haut responsable douanier a été arrêté dans le cadre de cette affaire, ce qui a provoqué la colère de la douane tunisienne qui avait nié à plusieurs reprises toute implication dans cette affaire. Il y a quelques jours, la douane émettait ses réserves compte tenu du rapport de l’Instance du contrôle financier qui avait confirmé l’implication des services douaniers et du ministère précité dans cette affaire. «La direction générale de la douane est le seul organe qui a réussi à lever le voile sur cette affaire. D’ailleurs, elle a interdit la gestion des conteneurs des déchets depuis juin 2020, même si 70 d’entre eux ont été transférés aux entrepôts de la société importatrice», avait affirmé dans ce sens le porte-parole de la douane, Colonel Haythem Zanned.
D’ailleurs, hier, des dizaines d’agents et cadres de la douane ont organisé un rassemblement de protestation devant le Tribunal de première instance de Sousse 1 pour dénoncer l’arrestation de l’un de leurs collègues sur fond de cette affaire. Ils nient toute implication dans ce dossier de corruption et n’écartant pas toute escalade pour préserver ce qu’ils appellent leurs droits.
Sauf que le rapport de l’enquête administrative émis par le ministère des Finances confirme l’implication du ministère des Affaires locales et de l’Environnement et des services douaniers dans cette affaire de corruption. Et c’est sur fond de ce rapport que ces arrestations ont eu lieu en coordination avec le ministère public.
Tout a commencé, rappelons-le, par une émission télévisée qui avait révélé qu’une société a importé de grandes quantités de déchets non recyclables d’Italie. Depuis, une grande polémique a éclaté, une enquête administrative et une autre judiciaire ont été ouvertes. Outre cette lourde affaire de corruption, c’est notamment le sort de ces grandes quantités de déchets qui inquiète le plus les Tunisiens.
Face au mutisme des autorités italiennes et leur manque de coopération, la Tunisie n’a trouvé d’autre solution que d’entrer en contact avec les Nations unies pour appliquer les dispositions de la convention de Bâle. Il s’agit d’un traité international qui a été conçu afin de réduire la circulation des déchets dangereux entre les pays. Permettant plus particulièrement d’éviter le transfert de déchets dangereux des pays développés vers les pays en développement (PED), cette convention interdit, en effet, l’exportation des déchets non recyclables dans les pays en développement comme la Tunisie.